Le Jatropha ne pousse pas n’importe où

Fode Sakho en a fait l’amère expérience

Keur Seyni Gueye est un village situé sur les hauteurs de la vallée de la Djikoye, dans le sud du département de Foundiougne, au Sénégal.

Avec une pluviométrie de l’ordre de 1000 mm par an, cette région a été pendant longtemps une grande zone de production agricole. Elle a été fortement déboisée et aujourd’hui les champs s’étendent à perte de vue.

En 2009, Fode Sakho a décidé de réaliser sur des terres où il alternait jusqu’alors mil et arachide, et dont la productivité avait nettement baissé, une plantation de Jatropha d’un hectare et demi.

En 2011, les résultats sont décevants.

Malgré tous les soins que ce paysan lui a apportés, la moitié de la plantation située sur la partie haute du champ végète : elle a été attaquée par la fusariose au cours de la saison sèche ; un tiers des plants sont morts, les autres se sont certes rétablis au cours de l’hivernage mais une année de croissance a été perdue. Dans la seconde partie de la plantation, située sur la pente, la totalité des plants ont disparu.

Le Jatropha n’y est pour rien. Les mauvaises herbes elles-mêmes couvrent à peine le sol dans les parties non travaillées, alors qu’on est en fin d’hivernage. Sur la parcelle qui jouxte la plantation, le mil que Fode Sakho a semé cette année n’a donné que des pieds épars et de maigres épis. Un champ de mil en contrebas a reçu de l’engrais et les tiges sont un peu plus fournies, mais on est bien loin de la végétation quasi impénétrable que l’on peut trouver dans les zones pourtant moins pluvieuses du nord du département. A l’évidence, le mal est plus profond. Les plantes n’ont pas seulement besoin d’azote.

Les sols sont ici très légers, sableux. Ils ont été détruits par une culture d’arachide qui les déstructure lorsqu’on arrache les plants à la récolte et dont on exporte la totalité de la matière organique car elle constitue un excellent fourrage. Ils restent ainsi exposés à l’action érosive du vent et de l’eau, et les arbres qui pourraient la contenir ont disparu. Sur la pente, dès que les eaux de ruissellement prennent de la vitesse, elles entrainent avec elles les éléments fins du sol, les restes de matière organique et les graines produites par la végétation naturelle. Plus rien n’arrive à y pousser. Pas plus le Jatropha que l’herbe.

Au repiquage déjà, les plants peinent à s’enraciner, végètent, et nombreux sont ceux qui meurent et qu’il faut remplacer. Au bout de trois ans leur tige principale a grossi, mais ils n’ont pas grandi et leurs racines pivots ne se sont pas enfoncées dans le sol, pourtant meuble. Les quelques grammes de fumier que l’on met au fonds du trou de plantation ne suffisent pas à leur fournir les éléments nécessaires à leur croissance.

La fusariose, comme beaucoup de maladies ou de parasites, n’est pas une fatalité. Elle s’attaque d’abord et surtout à des plantes faibles qui, incapables de croître, accumulent les sucres solubles et sont particulièrement sensibles aux stress qui résultent de blessures ou de la sécheresse.

Le Jatropha n’est pas une plante miracle. Pas plus qu’aucune autre culture il ne peut se développer et être productif sur des terres pauvres.

Cependant son introduction dans une telle région, et la forte motivation des paysans pour les perspectives de développement énergétique et technique qu’elle ouvre, constitue une opportunité pour investir dans l’aménagement des terres et la restauration des sols : planté en haies, le Jatropha peut être utilisé pour stabiliser un dispositif de diguettes antiérosives ; et l’introduction de ce nouvel élément structurant de l’espace agricole pourrait être associée à la diffusion de pratiques culturales telles que l’établissement d’un couvert de légumineuse pérenne comme le Stylosanthes, la culture en courbes de niveau et l’amendement organique.


publié par   Bruno Legendre
le lundi 24 octobre 2011
 
 

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