Nouvelles technologies : le monde rural acteur à part entière du secteur de l’énergie


Les concepts et technologies ont considérablement évolué en vingt ans et le service d’électricité devient accessible à un plus grand nombre, de façon durable, grâce à une évolution des systèmes de production et de distribution.

Si on savait s’inspirer des dynamiques observées dans le secteur des télécommunications, alors les objectifs du programme "Sustainable energy for all" (SE4ALL) du PNUD pourraient bien ne pas être une utopie....

Solutions pour une production durable d’électricité

L’émergence de solutions basées sur des mini-centrales hybrides combinant des générateurs solaires avec des générateurs thermiques permet :

  • d’optimiser l’investissement initial en contournant la contrainte d’un coût en capital élevé des systèmes photovoltaïques ;
  • de renforcer l’autonomie énergétique des zones desservies en étendant la capacité de production au-delà des périodes d’ensoleillement ;
  • de ne plus se limiter à l’éclairage ou à l’alimentation d’équipements audiovisuel, mais de pouvoir répondre aux besoins des usagers professionnels et satisfaire notamment la demande en froid.

Lorsque dans leur environnement se développe une production locale d’huile végétale de qualité, ces centrales hybrides peuvent l’utiliser comme biocarburant pour alimenter leurs groupes électrogènes et devenir ainsi productrices d’une énergie 100% renouvelable.

La connexion de ces unités de production décentralisées au réseau électrique national, chaque fois que cela est possible, rend leurs excédents disponibles au niveau national : la production d’énergies renouvelables, encouragée par cette garantie de débouchés, peut alors se développer et contribuer de façon significative à l’indépendance énergétique du pays.

En retour, elles peuvent bénéficier, en cas de déficience ponctuelle, du soutien de la production nationale d’électricité : la dépendance énergétique actuelle se transforme en une forme de solidarité énergétique nationale active.

Un accès facilité aux services d’électricité

Au niveau de la distribution de l’électricité, des solutions de prépaiement permettent d’ajuster le rythme et le niveau de facturation en fonction des capacités financières de populations dont les revenus restent très aléatoires, et de gérer aisément une tarification différenciée permettant aux plus pauvres, eux aussi, d’accéder aux services énergétiques.

Elles créent les conditions d’une relation apaisée entre consommateurs et opérateur, indispensable pour un développement dynamique de ces services.
Et, dotées de capacités d’analyse des profils de consommation et de leur évolution, elles font de la gestion de la demande le cœur de toute l’activité de l’opérateur.

Enfin, les systèmes financiers décentralisés, désormais bien structurés et efficaces, deviennent de véritables partenaires stratégiques pour le secteur de l’électrification rurale. Au-delà de l’épargne locale, ils drainent les ressources des réseaux de finance solidaire internationaux et de plus en plus les revenus de l’émigration, pour soutenir le développement d’activités productives. Les produits qu’ils mettent en œuvre contribuent à lever l’obstacle de l’investissement initial qui souvent contraint l’accès à l’énergie des acteurs économiques.

Accès à l’eau, accès à l’énergie : de fortes synergies

Le développement du service de l’eau suit la même logique que celui du service d’électricité, et fait appel aux mêmes équipements, techniques et stratégies. Il existe de très fortes synergies entre ces deux secteurs qui ont d’ailleurs été longtemps, dans certains pays, gérés par les mêmes opérateurs et le sont parfois encore. Ils sont l’un comme l’autre l’objet d’une demande sociale très large, qui les fait classer comme « services de base », et les enjeux pour le développement local sont tels qu’au Niger, par exemple, on explore la possibilité de les placer tous les deux sous la maîtrise d’ouvrage des collectivités locales.

Depuis la décennie de l’eau, dans les années 80, et jusques dans la définition des Objectifs du Millénaire pour le Développement, le principal indicateur de l’état de l’accès à l’eau potable en milieu rural s’est réduit à l’évaluation du nombre d’habitants par point d’eau moderne réalisé, sans prendre en compte la fonctionnalité ou l’accessibilité de celui-ci et en faisant l’hypothèse que « moderne » doit, sans conteste et de façon définitive, signifier que l’on y trouve une eau répondant aux normes de potabilité. Or c’est loin d’être le cas.
La qualité de ce qu’il convient désormais d’appeler le « service public de l’eau » devient une préoccupation croissante, et sa prise en compte une exigence dès lors que l’accès à une eau de qualité constitue un droit, que l’on habite dans un village ou en ville, reconnu en 2010 par l’Assemblée Générale des Nations Unies comme un droit fondamental, essentiel au plein exercice du droit à la vie et de tous les droits de l’homme.

Elle dépend étroitement de la capacité à garantir à la fois la continuité de la disponibilité en eau et la qualité de cette eau.

La continuité du service public de l’eau en milieu rural est aujourd’hui aléatoire du fait d’une incapacité récurrente à assurer la maintenance des ouvrages hydrauliques et de la difficulté croissance d’approvisionnement en carburant d’un parc de systèmes d’exhaure équipés à 80% de moteurs thermiques.

Quant à la qualité de l’eau distribuée, les solutions techniques qui permettraient de la maîtriser sont fortement dépendante de la disponibilité d’énergie électrique : dans le bassin arachidier où les ressources sont fortement salées et fluorées , le recours aux technologies membranaires à basse pression constitue une alternative viable là où un transfert d’eau douce ne peut être réalisé dans des conditions de coût acceptables, et les systèmes d’électro-chloration permettent de produire en tout lieu, à faible coût, de façon continue, le chlore nécessaire pour en assurer la qualité bactériologique.

La sécurisation de l’accès à une eau de qualité des populations rurales constitue un enjeu de développement majeur.

Cet objectif peut être atteint en transformant les villages où sont implantés les quelques 1600 forages à gros débit actuellement en service en autant de pôles de développement énergétique. Les gestionnaires de ces ouvrages concentreront alors leur activité sur leur métier, qui est de produire et de distribuer de l’eau, la production de l’énergie qui leur est nécessaire se trouvant intégrée dans un service couvrant la totalité des besoins de la localité.

Libérer les initiatives, pour satisfaire la demande rurale en énergie

On sait désormais produire n’importe où une énergie durable, et on dispose d’outils qui permettent d’assurer la continuité des services de base, d’ajuster l’investissement à l’évolution de la demande, d’adapter les stratégies commerciales aux capacités de paiement des usagers tout en sécurisant les capitaux investis.

La demande rurale devient, fait paradoxal pour les tenants d’un monopole technocratique qui ont tout fait pour la décrédibiliser et la marginaliser à travers des concepts de « pré-électrification » et un discours sur la pauvreté qui n’ont su induire aucune réelle dynamique, le moteur d’un développement durable du secteur de l’électricité. D’un développement durable tout court, d’ailleurs.

La clef de la réussite est dans l’optimisation des systèmes et la recherche de synergies, pas dans les dogmatismes…


A suivre.... Biocarburants, au-delà de la polémique, une ressource locale et durable d’énergie

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publié par   Bruno Legendre
le mercredi 27 février 2013
 
 

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