Service Public de l’Eau en milieu rural au Niger

Une opportunité pour les PME locales

Le Niger prend résolument l’option de la maîtrise d’ouvrage communale tant pour le développement du service public de l’eau que de l’accès à l’énergie en milieu rural.

L’évolution du service public de l’eau en milieu rural au Niger au cours des dix dernières années peut se résumer en 3 grandes étapes :

  • 2004-2008 : Deuxième phase du Programme Régional Solaire du CILSS. Elle conforte le photovoltaïque comme solution technique de référence pour l’alimentation en eau des populations rurales. Elle introduit la notion de gestion déléguée du service public de l’eau à des opérateurs privés.
  • 2006-2010 : Élaboration de la stratégie nationale de mise en œuvre du service public de l’eau en milieu rural et semi-urbain, à partir de l’expérience du PMAEPS ( 10ème Fed). Elle introduit la notion de maîtrise d’ouvrage communale.
  • 2011-2015 : Proposition d’extension de la maîtrise d’ouvrage communale au service d’électricité en milieu rural, testée dans le cadre du programme PASE SAFO (Facilité Energie)

Contexte

Le Projet de Mini-Adductions d’Eau Potable Solaires (PMAEPS) financé par l’Union Européenne au Niger, entre 2006 et 2010, avait pour objet l’installation de 100 pompes solaires dans les régions de Maradi et de Tahoua.

Le Programme Régional Solaire (PRS) du CILSS, financé également par l’Union Européenne, avait mis en place au cours des années précédentes, sur le modèle malien, des ’bureaux de conseil et de contrôle’ (BCC) dans chacune de ses régions d’intervention, dont les deux régions ciblées par le PMAEPS (où cette fonction était assurée par les bureaux d’études TEC et CEH-Sidi).

Le démarrage du PMAEPS correspondait par ailleurs à la mise en chantier d’une révision du code de l’eau et d’une réflexion sur une stratégie nationale de développement du service public de l’eau en milieu rural ancrée sur une maîtrise d’ouvrage communale telle qu’elle est définie dans les textes sur la décentralisation.

Un ’Guide des Services AEP’ a été produit au terme de ce processus, s’inspirant très largement de l’expérience du PMAEPS, et diffusé auprès de toutes les communes.

Orientations

La stratégie de développement du service public de l’eau s’articule autour des principes suivants :

  • L’exploitant est contracté par la Commune : c’est à elle seule qu’il doit rendre compte et verser les redevances qui permettront de financer le suivi et le contrôle de la qualité du service. Il doit garantir la qualité de l’eau (contrôlée chaque semestre à ses frais), et la qualité de sa prestation (par le versement régulier d’une provision sur un Fonds de Garantie, conçu comme une caution de la capacité de l’exploitant à laisser les installations en bon état à la fin de son contrat) ;
  • Les Associations d’Usagers de l’Eau (AUE) doivent se limiter dans un rôle de représentation des usagers ; elles ne peuvent recevoir de rémunérations de l’exploitant, mais occasionnellement, en appui à une activité ciblée, une subvention de la collectivité locale ;
  • Le BCC abandonne sa mission de contrôle et évolue vers un rôle de conseil à maître d’ouvrage, centré sur la formation et l’accompagnement de Services Communaux Eau Hygiène et Assainissement. Sa dénomination change d’ailleurs en SAC/SPE [1] ;
  • Le SAC/SPE ne bénéficie plus, comme cela avait été le cas jusqu’alors, d’exclusivité géographique ; il est contractualisé par la commune à l’issue d’un appel d’offres. Le coût de son intervention est compris entre 20 et 30 FCFA/m3, selon une analyse détaillée conduite au niveau de 8 communes et sur la base d’une consommation moyenne de 10 l/p/jour ; et on estime qu’une équipe d’appui conseil peut gérer entre 7 et 15 communes ou entre 60 et 80 AEP.
  • Les structures déconcentrées du Ministère de l’Hydraulique (DRH, DDH) sont chargée de la promotion et du contrôle de la politique nationale en matière de service public de l’eau. Les Directions Départementales de l’Hydraulique (DDH) représentent notamment une capacité d’interpellation de l’autorité préfectorale qui est essentielle pour imposer le respect des dispositions réglementaires et des engagements contractuels.
  • La commune gère l’ensemble des ressources générées par la vente de l’eau, qui ne peuvent être utilisées que pour le développement du service public de l’eau : redevances pour le financement du suivi des exploitants, fonds de renouvellement et d’extension, et fonds de garantie.

Premiers résultats

On observait en 2010 une réelle professionnalisation de la fonction d’exploitant. Les exploitants gèraient en moyenne 7 AEP dans la région de Tahoua et 11 dans la région de Maradi, mais pour certains cette activité est devenue un véritable métier :

  • Elyfros est le plus gros exploitant ; il gère au total 46 AEP réparties dans les deux régions, dont 23 pompes solaires.
  • SEPA gère une trentaine d’AEP, dont 20 pompes solaires, dans la région de Tahoua ; il s’appuie sur 3 techniciens établis à Nkonni, Taboua et Bagaroua.
  • EGEM exploite plus de 20 AEP réparties dans les deux régions

En 2012, l’investissement dans l’hydraulique solaire se poursuit, avec le lancement d’une deuxième phase du PMAEPS, et l’objectif de réaliser 100 nouvelles adductions d’eau alimentées par des pompes photovoltaïques.

Mais surtout, de nouvelles perspectives s’ouvrent avec le lancement à Safo, une commune de plus de 70.0000 habitants de la région de Maradi, d’un projet pilote qui vise à étendre la maîtrise d’ouvrage communale à la mise en œuvre d’un service d’électrification rurale.

La commune de SAFO compte déjà alors 12 adductions d’eau (8 solaires), dont la gestion est déléguée à 2 opérateurs privés.

Les différents acteurs du service public de l’eau ont bien compris le rôle qui leur revient, mais quelle est vraiment la capacité de la commune à exercer sa maîtrise d’ouvrage, c’est à dire à contrôler la qualité des services mis en œuvre, s’assurer de leur durabilité, et gérer efficacement les revenus générés pour développer l’accès à l’eau ?

La réalité est que la commune ne perçoit aucune redevance, qu’elle n’a aucune visibilité sur les fonds de renouvellement et d’extension, qu’aucun fonds de garantie n’a été mis en place et qu’il n’existe pas de rapports d’exploitation. Le SAC/SPE ne remplit pas son rôle d’appui-conseil, ni les services déconcentrés de l’hydraulique leur rôle de contrôle.

Conclusion

Le projet d’électrification de la commune de Safo constitue une opportunité de relancer un débat interne sur la maîtrise d’ouvrage communale, l’organisation à mettre en place et les moyens à lui donner. Elle a d’ailleurs revu en conséquence, au début de l’année 2014, son plan de développement communal (PDC) et la structure de son budget.

Pour l’instant le principal acquis, incontestable, de 10 années d’investissement dans un service de l’eau amélioré en milieu rural, c’est l’implication active d’entreprises privées locales. Elles ont aujourd’hui la capacité et l’intérêt d’étendre leurs service à l’électricité.

L’entreprise peut devenir un véritable moteur de développement durable local.... Mais il est urgent de consolider le cadre de maîtrise d’ouvrage communale dans lequel elle évolue.


[1] Service d’Appui Conseil au Service Public de l’Eau


publié par   Bruno Legendre
le jeudi 2 octobre 2014
 
 

Contributions

A lire...

Brèves

31 octobre 2014 - Nouvelles du Jatropha au Sénégal

Selon un rapport publié récemment par le réseau Jatroref, NEO et SOCOCIM ont renoncé à leurs (...)

25 janvier 2014 - De nouvelles questions sur Senethanol...

Deux articles intéressants ont été récemment publiés sur le site de ww.farmlandgrab.org au sujet du (...)

23 janvier 2014 - Veut-on vraiment développer les énergies renouvelables au Sénégal ?

Le gouvernement sénégalais a annoncé son intention d’encourager l’investissement privé dans les (...)